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Pas comme on pensait… un conte de Noël de la pasteure Hélène Küng

photo de la crèche d’Amnesty à Monthey, réalisée par Angelika Schütz

 

 

 

–          Je suis désolé. C’est exclu.

–          Comment ça, exclu ?

–          Impossible. Les déplacements sont interdits, tu sais bien. Le recensement est reporté. Toutes les routes sont bloquées.

Elle pleure. Il l’entoure de son bras.

–          Pour votre sécurité, au bébé et à toi, je ne regrette pas trop ce voyage…

–          …Mais c’est là-bas qu’il doit naître : dans la ville de ta famille. C’est annoncé, c’est écrit…

–          J’y ai pensé aussi – mais là c’est vraiment impossible.

–          Rien n’est impossible à Dieu, non ?

Il se tait. Elle continue.

–          Ici, ça n’a pas de sens. Aucun prophète même n’est né ici. Ni dans la région.

Il se tait toujours.

–          Joseph… On ne s’est pas trompés n’est-ce pas ? Dis-moi que non.

–          Non. J’en suis sûr. Comme toi – mais on doit rester ici. Je ne veux pas prendre de risque, ni pour toi, ni pour lui.

–          Mais la prophétie ?

–          Peut-être que les prophètes se trompent des fois… Ce qui est sûr, c’est que je dois veiller sur toi, sur l’enfant, qu’il naisse et grandisse à l’abri des dangers, autant que faire se peut… Fais confiance, Marie, rien n’est impossible à Dieu mais pas forcément comme nous l’imaginons…

Les lieux n’ont pas d’importance

 

Ils ont vaqué à leurs travaux. Ils n’en ont plus parlé. Les jours ont passé.

Quand les douleurs de la naissance l’ont saisie, elle a appelé une voisine. Et il a pensé : comment aurions-nous fait loin de chez nous ?

L’enfant est né. « Un fils nous est donné… » Il pense à la prophétie, la joie le submerge : Dieu va agir à travers cet enfant, les lieux n’ont pas d’importance, seule compte la volonté de Dieu qui vient sauver.

À la porte, quelqu’un frappe. Joseph, étonné, ouvre.

Ces gens ont l’air de venir de loin – et d’avoir les moyens de voyager. Des commerçants ? Mais les déplacements, les rassemblements, les marchés sont interdits pour raison sanitaire. Dans tout l’Empire.

Un des étrangers parle : « Nous sommes des savants, venus de loin. Il n’y a pas de place pour nous dans l’auberge, les limitations de nombre sont strictes. Pouvons-nous reposer nos bêtes derrière chez vous ? Et loger à l’abri dans votre grange ? »

Joseph les installe, amène quelques vivres. Mais pourquoi avoir choisi cette maison ? L’étranger sourit : « Nous étudions les astres. Nous en avons observé un, qui annonce l’arrivée d’un roi. Nous l’avons suivi et nous en avions perdu la trace. Puis, hier, nous l’avons aperçu, juste au-dessus de chez vous. »

Derrière la porte, Marie a entendu. Et l’enfant a souri dans son sommeil.

 

© Hélène Küng

Hélène Küng est pasteure de la paroisse réformée du Coude du Rhône à Martigny. Ce conte a paru dans la page « Eglises » du Nouvelliste du 19 décembre.