Actualités

Noël aux éclats

Noël aux éclats. Comme des brisures, des déchirures.

Sarah, en attente d’un futur incertain. Quel demain, quand on n’a plus de chez soi ? Cela fait quelques mois qu’elle erre de lieu d’urgence en lieu d’urgence. Elle a laissé quelques bagages dans une consigne de la gare de Lucerne. Elle pensait que ce serait seulement pour quelques jours. Elle espérait aussi pouvoir récupérer sa dizaine de valises et de sacs soigneusement emballés dans un plastique vert, selon la coutume d’un lieu d’accueil de La Côte vaudoise. Elle vient d’apprendre, trois mois plus tard, qu’ils ont été jetés. Pas de place pour les conserver, avec le flot de personnes sans-abri qui séjournent là quelques nuits. «Impossible de les garder, vous comprenez. Et puis on vous a demandé plusieurs fois de venir les chercher». Non, elle n’arrive pas à comprendre. C’étaient toutes les affaires qu’il lui restait, d’une valeur de quelques milliers de francs. Venir les chercher? Pour les mettre où? Elle n’a plus de chez elle. Sarah travaillait dans les assurances-maladies. Elle y croit encore. Être engagée, par miracle, tant que son visage n’est pas trop marqué par la précarité?

Hector. Papa depuis quelques mois, il n’a pas encore vu sa fille. Chez lui, il a déjà tout aménagé. Un lit de bébé attend la petite; poussette, baignoire et Maxicosy sont prêts. «Tu vois, je pensais peut-être pouvoir l’avoir pour Noël. J’ai mis sur son lit la peluche que j’ai reçue l’autre jour dans le carton». Il lui manque 850.- pour pouvoir aller jusqu’au bout des démarches en cours. Il espère encore. Ne rien lâcher, ne pas se laisser décourager, aller jusqu’au bout, pour sa fille.

Marie-Louise et Jean. Des mois entre appartement, lieu d’accueil et motel, pour aboutir finalement, le jour de l’emménagement prévu, dans un appartement qui n’est pas celui qu’ils ont loué. Une famille a reçu son congé mais n’a pas encore trouvé de solution. Dernier coup de massue après des mois de survie, alors qu’enfin le cauchemar allait se terminer. Et je m’inquiète de voir Marie-Louise vaciller, sous le choc. L’appartement est presque vide, à part quelques meubles que l’équipe vient leur amener. Quand je passe, quelques semaines plus tard, je suis accueillie comme une reine. «Ma chérie, je te fais un café!» Pourtant, la lutte est tellement difficile… «Tu sais, on a tellement bien fait de venir hier. Dans la Christmas Box, il y avait de l’huile, des pâtes et de la sauce tomate! … Mais ça m’angoisse énormément, je dois de nouveau 20.- pour l’essence à la station-service».

Noël aux éclats. Au cœur des brisures, des déchirures, quelques éclats d’espérance malgré tout. Les 100 bonnets et chaussettes tricotés par Lorenza et sa sœur, ces 1800 Christmas Box confectionnées et redistribuées dans près de 20 associations, les photos reçues («Tu sais qui aurait besoin de cette étagère?»), les quelques jours de répit offerts dans le studio au sous-sol, l’amour mis dans la préparation des Noëls Solidaires, l’espoir partagé, la solidarité au cœur du désespoir.

«Ce que vous avez fait aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait». Emmanuel, Dieu-avec-nous.

Joëlle Carron