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«Le Christ, feu de notre espérance»

 

Chaque année, de nombreuses conférences de Carême sont proposées un peu partout, nous offrant des temps de réflexion, d’approfondissement de la foi et de ressourcement spirituel.. Parmi toutes ces interventions riches et variées, nous avons choisi de partager ici la synthèse de deux conférences données par le fr. Rémi-Michel Marin-Lamellet, op et deux autres par le Père Philippe Blanc, à l’abbaye de Saint-Maurice durant le Carême 2025. Elles nous invitent à raviver notre espérance chrétienne dans un monde en quête de sens, à la lumière du Christ ressuscité.

 

Regardez l’avenir avec espérance : foi, feu et fidélité dans un monde en quête de sens

Le Jubilé 2025 nous rappelle une vérité essentielle de notre foi : nous sommes des pèlerins de l’espérance. Cette marche à la suite du Christ ne consiste pas en une routine religieuse, mais en une mise en route permanente, une ouverture à la nouveauté que Dieu veut susciter dans nos vies. Le pèlerin ne reste pas enfermé dans le « on a toujours fait comme ça » : il se dépouille de l’inutile pour avancer librement vers la rencontre vivante avec le Christ, Porte du Salut. C’est cette dynamique que le père Philippe Blanc et le frère Rémi-Michel Marin-Lamellet ont déployée dans leurs interventions, en montrant comment l’espérance chrétienne peut être redonnée, transmise et vécue au cœur d’un monde souvent déconcerté.

 

L’espérance a un nom : Jésus-Christ

Pour les deux prédicateurs, l’espérance chrétienne ne se réduit pas à un optimisme vague ou à un espoir humain qui peut être déçu. Elle est fondée sur une personne : Jésus-Christ, mort et ressuscité. Il ne s’agit pas simplement de croire à un avenir meilleur, mais d’entrer dans un mystère : celui du Christ vivant, présent au cœur de nos vies, même quand tout semble obscur. Comme les disciples d’Emmaüs, nous marchons parfois à côté du Christ sans le reconnaître, pris dans nos déceptions ou nos doutes. Pourtant, c’est lui qui éclaire nos pensées, réchauffe nos cœurs et nous remet debout dans la fraction du pain.

 

Le père Philippe Blanc insiste : nous ne sommes pas seulement « à côté du Christ », nous avons revêtu le Christ au baptême. Par lui, avec lui et en lui, nous devenons nous-mêmes des sacrements de sa présence pour les autres. Maurice Zundel disait : « Vous êtes le Christ des autres ». Cela suppose une conversion du regard : voir en chaque personne un frère, une sœur, un enfant de Dieu porteur de la présence du Christ. Cette attitude d’espérance transforme nos relations, elle humanise notre foi.

 

Un feu sous les cendres

Mais comment transmettre cette espérance dans un monde où Dieu semble absent, notamment pour les jeunes générations ? Le frère Rémi-Michel Marin-Lamellet propose une image saisissante en trois temps : feu destructeur, braise sous les cendres, feu divin.

 

Nos contemporains – et souvent nous-mêmes – expérimentons un feu destructeur  : addictions, violence, indifférence, superficialité religieuse… Ce feu brûle mais ne réchauffe pas. Il laisse un vide, une froideur intérieure. Pourtant, même sous les cendres, il y a des braises. De nombreux jeunes expriment, parfois maladroitement, une quête spirituelle. Ils ne connaissent pas le Christ, mais sentent qu’il existe « autre chose ». C’est à nous d’être attentifs à ces signes, d’oser une parole, de souffler doucement sur ces braises.

 

Mais attention : « L’homme ne peut pas répondre à une question qui ne lui a pas été posée », rappelle le frère dominicain. Il faut d’abord écouter, susciter la question existentielle, puis proposer humblement le feu de l’Évangile. Ce feu n’est pas réservé à une élite mystique, il est offert à tous. Il est feu de l’amour, feu de la croix, feu de l’Esprit-Saint qui purifie et vivifie.

 

Une pédagogie de la rencontre

L’exemple du Christ dans les évangiles reste pour nous un modèle : il regarde, écoute, accueille, puis appelle à se relever. Il ne confond jamais le péché et le pécheur. Il ne condamne pas, mais il propose un chemin. Le père Philippe Blanc insiste : c’est à cette pédagogie que nous devons revenir, dans nos communautés, nos familles, nos engagements. Être présent à la Présence de Dieu et à celle des autres.

 

C’est dans cette attitude que la prière peut reprendre sens, même quand nous avons perdu les mots. Le frère Rémi-Michel Marin-Lamellet évoque l’expérience de ceux qui ne savent plus prier, qui restent en silence, épuisés. Mais Dieu est là, compagnon sur le chemin de nos pensées, de nos regards, de nos silences. Les psaumes eux-mêmes montrent que l’on peut être « comme une bête » sans intelligence et pourtant rester avec Dieu (Ps 72). Même sans mots, la prière peut exister par le simple fait d’être là, de vouloir encore croire, de tomber et de se relever.

 

Une espérance contagieuse

La bulle d’indiction du Jubilé invite tous les fidèles à devenir des témoins d’espérance. Non pas des gestionnaires d’un monde qui s’éteint, mais des créateurs audacieux, enracinés dans le Christ. Cela passe par un chemin quotidien : espérer, c’est marcher, respirer, désirer, imaginer, faire confiance. Un seul pas suffit pour se rapprocher du sommet. Ne restons pas au cimetière du « ci-gît », mais vivons pleinement l’« ici vit ».

 

Espérer, c’est aussi accepter de ne pas tout contrôler. C’est dire : « Seigneur, je ne sais pas où tu me mènes, mais je te fais confiance ». Abraham a marché sans tout connaître. Nous aussi sommes invités à avancer, pas à pas, avec le bâton du pèlerin – qui porte un nom : la croix. Ce n’est pas le signe du malheur, mais celui de l’amour donné jusqu’au bout.

 

Une mission partagée

Enfin, ces conférences nous rappellent que nous ne sommes pas seuls. L’Église est ce peuple en marche, « un seul cœur, une seule âme ». La foi chrétienne ne se vit pas en solitaire. Comme le disait Benoît XVI, « un chrétien seul est un chrétien en danger ». Nous avons besoin les uns des autres pour tenir bon, pour transmettre la beauté de la vie, pour rendre visible le Royaume.

 

Si nous sommes, comme le dit le père Philippe Blanc, « l’espérance de Dieu », alors soyons à la hauteur de cette confiance. Acceptons d’être pétris d’ « à-venir », comme l’artiste modèle son chef-d’œuvre à partir de l’argile. Dieu voit déjà en nous ce que nous deviendrons. À nous de ne pas l’empêcher d’agir.

Aline Jacquier


 

Père Philippe Blanc, prêtre du diocèse de Monaco. Il est actuellement chapelain et vice-recteur du sanctuaire de Notre Dame du Laus.

Le frère Rémi-Michel Marin-Lamellet est membre de l’Ordre dominicain et poursuit actuellement sa formation en histoire à Fribourg. Il a publié La ténèbre n’est point ténèbre : une génération qui cherche la lumière et Comme la voix des océans.