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La Parole, pour abreuver ma terre

Ainsi parle le Seigneur:
«La pluie et la neige qui descendent des cieux
n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre,
sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer,
donnant la semence au semeur
et le pain à celui qui doit manger;
ainsi ma parole, qui sort de ma bouche,
ne me reviendra pas sans résultat,
sans avoir fait ce qui me plaît,
sans avoir accompli sa mission.»  (Is 55, 10-11)

Abreuver la terre, la féconder, la faire germer. Quelle place pour la Parole dans ma vie, dans nos vies ? Comment devient-elle «semence» pour le semeur, «pain» pour qui doit manger ? Comment la laisser accomplir sa mission, faire ce qu’il plaît au Seigneur ? (Is 55, 10-11)

Telle la pluie, la neige «qui descendent des cieux», la Parole vient arroser la terre que je suis. Une terre souvent aride, altérée, sans eau ; une terre parfois néanmoins prête à accueillir la semence qui donnera fécondité à ma vie. Par petits bouts, mâchonnés, chiffonnés, ruminés, la Parole se creuse une place dans mon aujourd’hui. Elle vient me frapper au cœur par le biais de mots, de phrases semblant déjà connus, tout à coup entendus dans leur nouveauté au détour d’une célébration. Elle s’infiltre par effraction dans mon quotidien, via ce verset reçu ce matin sur un pain de la Parole. Elle m’imprègne peu à peu, par des psaumes ou des textes bibliques dont le refrain mis en musique me reste en tête et me revient.

Des textes partagés, scrutés, travaillés ensemble viennent éclairer, approfondir ou mettre en perspective. Une lecture communautaire nécessaire pour enrichir, étoffer, confronter ce que je pensais trop tôt avoir compris.

Des mots forts résonnent depuis la nuit des temps. «Me voici», répond par deux fois Abraham. En réponse à cette double réponse vient alors la promesse disant la bénédiction qui traverse l’entier de l’Ancien Testament. (Gn 22).

Des affirmations surprenantes, inattendues introduisent la nouveauté fulgurante de la nouvelle Alliance: «Celui-ci est mon Fils bien-aimé: écoutez-le !». Une proclamation qui dit déjà l’identité profonde du Rabbi dont Pierre, Jacques et Jean s’attachent à la parole. Et cela même si, à ce moment-là, ils se demandent encore « ce que veut dire ressusciter d’entre les morts». (Mc 9)

Des mots, des thèmes font écho d’un bout à l’autre des écrits. Ainsi, le témoignage de Paul devant les Romains dit ce Dieu qui «a livré son propre Fils pour nous tous. Comment pourrait-il avec lui, ne pas nous donner tout ?» (Rm 8,31b-34). Résonnance avec ce qu’a vécu Abraham: «Ne porte pas la main sur le garçon ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu: tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique.» (Gn 22)

Les mots du psalmiste disent la quête («Je cherche le Seigneur, il me répond»), le dialogue («Un pauvre crie, le Seigneur entend»), l’oreille tendue («il écoute, attentif à leurs cris»), la confiance («De toutes mes frayeurs, il me délivre», la louange (Magnifiez avec moi le Seigneur). Ils disent la conversion du regard, un choix de vie fécond et apaisant («Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage»)(Ps 33).

Que ce temps de Carême puisse être temps où laisser descendre la Parole au plus profond de notre être. Qu’Elle puisse abreuver notre terre, la féconder, la faire germer.

Joëlle Carron