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Elisabeth Julen Abu Laban Une Valaisanne dans la ville de David
Elisabeth Julen Abu Laban est née à Sion en 1954. Elle habite Bethléem depuis 1999 où elle est mariée, mère de deux enfants et heureuse grand-maman depuis peu. Elle travaille comme psychomotricienne pour l’association des amis des enfants de Bethléem. Rencontre avec cette Valaisanne émigrée dans la ville de David.
Comment cela se fait-il qu’une Valaisanne se soit installée en Palestine ?
Mon premier contact avec la Palestine date de 1978. J’étais dans une profonde recherche de vie spirituelle et j’y suis partie pendant une année. J’y ai vécu des expériences diverses, notamment dans un home d’enfants handicapés. A mon retour j’ai fait une formation d’infirmière. En 1986 je suis parti travailler à Bethléem au Caritas Baby Hospital. J’y suis resté 5 ans. J’y ai vécu des d’expériences douloureuses (notamment en 1987 lorsqu’a débuté le 1er Intifada), mais aussi de très belles, comme la rencontre avec cette culture empreinte d’accueil, de générosité et de courage. J’ai aussi fait la connaissance de celui qui deviendra mon mari. De retour en suisse avec lui (après la guerre du Golf de 1991), nous avons travaillé dans l’idée de nous préparer au retour dès que cela serait possible. En juin 1999 nous avons fait le pas.
Comment en es-tu arrivée à travailler comme psychomotricienne pour l’association des amis des enfants de Bethléem ?
En cherchant du travail, j’ai eu la chance de rencontrer une femme exceptionnelle à la faculté d’éducation de l’Université de Bethléem. Elle était passionnée par l’éducation de la petite enfance et m’a proposé de me joindre à son team. J’ai donc travaillé à la Crèche de la Ste Famille. Cette Crèche accueille des bébés et des enfants abandonnés ou en difficultés. Avec un membre du team nous avons, entre autre, développé des activités d’expression corporelle. Nous avons observé combien les enfants en souffrance pouvaient, peu à peu, se libérer de leur poids grâce à ces activités corporelles.
Un groupe Suisse qui formait à l’époque « Les Amis de la Crèche » soutenait cette institution. Lors d’une visite à la Crèche, ce groupe a vu notre travail et nous a contacté pour étudier de quelle façon nous pourrions développer davantage cette activité particulière avec l’aide de professionnels suisses. C’est ainsi que sont nées, ici, les activités psychomotriciennes. Durant 16 années, mon collègue, quelques éducatrices locales et moi-même avons menés à bien ce projet. Après cette longue période, pour différentes raisons, nous avons souhaité élargir notre action aux jeunes enfants de Bethleem. Les Amis Suisses nous ont soutenus et ceci jusqu’à ce jour.
L’association » Les Amis des Enfants de Bethleem » compte à ce jour 5 membres de l’équipe locale. Nous nous répartissons le travail dans 6 institutions et nous formons également plusieurs éducatrices de ces institutions respectives.
En quoi consiste ce travail de psychomotricienne ?
Dans les écoles, les enfants n’ont que très peu de possibilités de s’exprimer artistiquement. Ils découvrent donc chez nous le bonheur du bricolage avec toutes sortes de matériaux, s’étonnent de ce qu’on peut faire avec de la récupération. Certains n’ont même jamais eu l’occasion de peindre… et font, tout à coup, des merveilles de couleurs ! Ils évoluent dans une atmosphère de paix et de bienveillance. Dans les écoles, la tendance est toujours à la performance et celui qui a de la peine perd vite confiance en lui.
L’aspect principal de nos activités psychomotriciennes et des ateliers d’art est l’absence de jugement, de considérer l’enfant là où il en est dans son parcours et de l’accompagner sur un bout de sa route. Tous les vendredis (jour de congé officiel en Palestine) nous accueillons 2 groupes d’enfants pour des ateliers d’art.
Quel est ton regard sur la fête de Noël, par rapport au fait d’habiter Bethléem?
Pour tous, Chrétiens et Musulmans, qui la portent à bout de bras, cette ville a une vocation particulière. Qu’elle grouille de monde ou qu’elle soit délaissée, tous nous portons la certitude dans la vocation de ce lieu « Saint ». À Bethléem, c’est Noël un peu tous les jours.
Témoignage
Yousef est arrivé au groupe du vendredi sur la demande de sa maman. Elle est très inquiète car en classe la « maitresse le juge lent et inapte »… Je suis très attentive à ce qu’il fait durant l’activité. J’observe ses mouvements, sa façon d’utiliser le matériel (ciseau, colle, pinceau, peinture….), la place qu’il occupe à la table avec ses collègues. Il est très hésitant, à l’air de prendre le pouls du groupe avant de commencer… Entre eux les enfants sont très naturels. Ses collègues de la tablée ne savent rien de ce qui préoccupe les adultes concernant Yousef. Donc ils le considèrent comme l’un d’eux, et ne le ménagent ni le bousculent. Et tout se passe très bien. Ce jour-là, chaque enfant devait colorier un sapin ou deux pour ensuite, comme un puzzle, réunir ces pièces pour faire un grand sapin. Yousef, me regarda plusieurs fois pour avoir mon accord sur son travail. Et ma fois, c’était absolument magnifique ! Il est libre, Yousef. Il y a des couleurs, il les utilise comme il sent et le résultat est superbe. Il se lève et m’apporte sa contribution au grand sapin : « tu sais, ma maman sera JOYEUSE quand elle verra ce que j’ai fait » ! Et il a bien dit joyeuse !
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propos recueillis par Didier Berthod