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Dignité infinie… de la personne humaine !

« Dignité infinie » ![1] C’est le titre d’un document d’une grande portée face aux multiples enjeux actuels, qui a été publié par le Vatican le 8 avril dernier. Il reprend ce titre d’une déclaration du Pape Jean-Paul II attribuant à la personne humaine une « dignité infinie »[2]. Ce dernier était aussi philosophe et comme beaucoup d’autres, il a su traduire en termes philosophiques et universels l’héritage chrétien millénaire.
Le document souligne quatre dimensions de la dignité personnelle : Une dignité « ontologique », « morale », « sociale » et « existentielle »[3]. La première est la plus fondamentale et souligne le fait d’exister en tant que personne. « Cette dignité ne peut jamais être effacée et reste valable au-delà de toutes les circonstances dans lesquelles les individus peuvent se trouver. »[4] Cette dignité est plus fondamentale que celle liée à l’usage de la raison. Dès sa conception et jusque dans la vieillesse, la dignité de l’être humain est inaltérable, d’autant plus que la dignité humaine consiste justement à prendre soin des plus vulnérables. Dès sa conception, un être humain absolument unique vient au monde et demeure tel jusqu’à sa mort.
La dignité morale se réfère à l’exercice de la liberté. La liberté est douée de conscience et peut agir contre celle-ci. Elle peut agir contre sa propre dignité et contre la dignité d’autrui.
« La dignité sociale se réfère aux conditions dans lesquelles une personne vit »[5]. Ainsi, des réalités sociopolitiques peuvent plonger des gens dans des conditions de vie indignes.
La dignité existentielle correspond à la perception qu’a une personne de la valeur de sa propre vie. Une personne peut-être dévalorisée ou se dévaloriser elle-même, jusqu’à méconnaître sa propre dignité. Dans la culture matérialiste et technocratique qui nous entoure, la personne a vite fait de perdre sa dignité quand elle ne perçoit plus son utilité et se voit confrontée à une « culture du déchet », selon l’expression du Pape François[6].
La dignité de la personne ainsi clairement définie, permet de fonder les droits et les devoirs de l’homme[7]. Elle ne peut être fondée sur des désirs purement subjectifs érigés en droit individuel, car il faut encore qu’ils correspondent à ces quatre critères de la dignité humaine qui l’authentifient.
Cette approche permet de situer clairement les dispositions légales qui sont édictées par les États, fruits des débats politiques. L’avortement, par exemple, est manifestement un compromis politique jugé acceptable par le législateur. On parle ainsi par euphémisme d’une « solution des délais ». Tout fœtus, comme personne en devenir, a évidemment droit à la vie. Il en va de la conscience humaine.
La gestation pour autrui met en lumière jusqu’où notre culture mercantile peut aller. L’enfant est considéré comme un objet à posséder ou à rejeter. L’enfant, dès sa conception, a droit à une dignité infinie. Précisons que la personne humaine est par essence un « être relationnel ». Quand une personne se pose la question fondamentale « Qui suis-je ? », elle fait immédiatement référence à ses parents, à sa famille, à son histoire personnelle. La personne humaine n’est jamais un être isolé. Elle est un être de relations. « Je » est un « nous ». Ainsi, par exemple, le suicide assisté n’est jamais un choix purement individuel, qui ne concernerait que la personne qui fait ce choix. Il entraîne la collectivité entière. Le suicide assisté est un choix social particulièrement pernicieux, car il fait passer pour un choix « digne » ce qui reste un suicide. Le suicide, même s’il est médicalement assisté, reste un acte d’une extrême violence, qui est de se donner la mort. Là encore, il y aurait beaucoup à dire sur l’état de « dignité existentielle » que se donne celui qui fait ce choix. Il estime tout simplement ne plus être digne de vivre…
Un dernier aspect qui me paraît important d’être souligné dans ce texte si interpellant face à nos choix de société, c’est le rapport au corps humain. Notre culture, qui garde encore quelques attaches avec la philosophie grecque, n’identifie pas la personne avec son corps. On dira couramment « j’ai un corps » et non pas « je suis mon corps ». Dans ce prolongement, la philosophie culturaliste interprétera la sexualité comme une donnée purement culturelle. Et enfin, la manière de vivre sa sexualité ne dépendra que d’un choix personnel[8]. En revanche, si je reconnais que le corps fait partie intégrante de ma personnalité, je vais chercher à l’intégrer et non à l’ignorer. Enfin, la sexualité a une dimension éminemment sociale. Elle engendre des liens multiples à la fois personnels et sociaux. Chaque personne est appelée à vivre en conscience sa sexualité et à s’interroger. Le corps indique toujours une orientation sexuelle fondamentale ordonnée à la génération et à la famille. Néanmoins, d’autres manières de vivre sa sexualité sont possibles, pour autant qu’elles soient l’expression d’une profonde dignité humaine au service du bien personnel et commun.
Marie-Joseph G. Huguenin[9]
[1] Congrégation pour la doctrine de la foi, Dignitas infinita, Rome 2024 (titre en latin). Publié sur le site du Vatican (vatican.va), ce document se trouve facilement en tapant « Dignitas infinita » dans un moteur de recherche.
[2] Voir l’introduction au document.
[3] Cf. DI 7 (DI pour Dignitas infinita, paragraphe 7).
[4] Ib.
[5] DI 8.
[6] Encyclique Fratelli tutti, n° 188, Rome 2020.
[7] Cf. DI 23-32.
[8] Sur la « théorie du genre », voir DI 55-60.
[9] Docteur en théologie, Privat Docent de l’université de Fribourg.