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Chemin de croix

17h55. Il ne reste plus que quelques minutes avant le début de la messe. Depuis la tribune, mes chanteurs et moi observons le chœur. Quelqu’un me fait signe: «Regarde, c’est magnifique». A travers les vitraux, le soleil illumine la croix et lui crée un écrin de lumière. Instants suspendus, qui se font contemplation. Prémisses de Pâques, en ce jour où, dans l’Evangile, la résurrection de Lazare se fait présage de celle du Christ.

Et pourtant… la croix est bien là! Nous nous passerions bien du chemin de douleur qui y mène.

Jean est à l’hôpital. L’opération, redoutée, s’était dans un premier temps bien passée. Des complications sont pourtant survenues. Dix jours après, sa fille, avec moi sur la tribune, sa femme, tous sont dans l’angoisse. Jean ne s’est pas encore réveillé et personne ne connaît avec certitude les séquelles entraînées par les complications survenues. Sa fille vient d’arriver de l’hôpital, nous a rejoint en cours de répétition. J’écoute l’Evangile, et ces deux sœurs qui envoyèrent dire à Jésus: «Seigneur, celui que tu aimes est malade». C’est à Lui que je confie, comme souvent cette semaine, Jean et toute sa famille. Consentir – mais comment? –  à l’impuissance.

Je repense à Shazia. N’ayant plus de domicile fixe, en foyer d’urgence depuis une quinzaine de jours, elle a appris jeudi que le renouvellement de son permis de séjour lui était refusé. Pourtant, elle est en Suisse depuis plus de 25 ans. Victime de violence domestique, elle a des séquelles physiques importantes, sans parler des traumatismes psychiques encore bien présents. Je ne la connais pas depuis longtemps mais elle me touche beaucoup, par sa dignité, par ce sourire qu’elle m’adresse lorsque je la retrouve. Je ne peux rien faire, sauf être avec elle du mieux possible dans ce chemin qui est aujourd’hui chemin de mort.

Faut-il cependant oser espérer? Dans l’Evangile lu à l’instant à l’ambon, Marthe dit à Jésus: «Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas encore mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera.»

Quand il vit qu’elle pleurait, et que les Juifs venus avec elle pleuraient aussi, «Jésus, en son esprit, fut saisi d’émotion, il fut bouleversé».

Comme Lui, la souffrance de la famille de Jean, celle de Shazia vient me chercher aux entrailles.

Comme Marthe, j’essaie de répondre: «Oui, Seigneur, je le crois: tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde.». C’est Toi qui nous délies des liens de la mort. C’est Toi qui nous appelles, d’une voix forte: «Lazare, viens dehors!»

Joëlle Carron