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Abbé Gérald Carrel : aumônier d’hôpital depuis plus d’un quart de siècle

Accompagner ! Un beau verbe ! Mais pas facile à conjuguer à l’actif. Même quand vous avez décidé de faire de l’accompagnement spirituel votre activité principale. Pour l’abbé Gérald Carrel, aumônier à l’hôpital Riviera-Chablais de Rennaz, l’accompagnement est carrément un « credo de vie ». Rencontre avec un prêtre qui a frôlé la mort à cause du COVID, mais continue à accompagner. Parce qu’il parle de cette forme de ministère comme d’un cadeau !

 

Ordonné prêtre en 1983, l’abbé Carrel a d’abord œuvré en paroisse. Mais depuis 1995, il est aumônier d’hôpital. L’accompagnement d’une tante, en fin de vie, puis d’une autre personne qui l’a appelé à son chevet, lui a fait découvrir qu’il pouvait être plus utile dans les hôpitaux qu’en paroisse. Il a œuvré aux HUG à Genève, puis au CHUV, puis dans les hôpitaux de la Riviera et à l’hôpital intercantonal de Rennaz depuis son ouverture en 2019. Vingt-sept ans d’aumônerie ! Sans doute un record au sein du clergé romand. Mais surtout, combien de malades ont-ils bénéficié de son accompagnement ? Impossible d’articuler un chiffre. Des milliers.

« Bonjour, je suis l’aumônier ! » Combien de fois a-t-il ouvert une chambre d’hôpital et essayé d’entamer un dialogue avec son ou ses occupants ? Et d’avouer : « Nous, les aumôniers, nous nous faisons rarement remballer. Avec certains malades, les échanges sont brefs. Avec d’autres, ils se prolongent, se renouvellent, sont d’un rare richesse ».

 

« Chaque rencontre est une aventure »

« A chaque rencontre, c’est une aventure. J’entre dans la vie d’un homme ou d’une femme qui ne m’a encore jamais vu. J’entre dans son monde. Et souvent, avec peu de mots, le contact s’établit et le malade, en confiance, s’ouvre au dialogue parce que l’on a besoin d’une relation à l’autre, d’humain à humain. Je reçois chaque rencontre comme un cadeau » raconte l’abbé Carrel, qui ne porte jamais de blouse blanche lorsqu’il frappe à la porte d’une chambre d’hôpital. « Je fais partie de l’équipe des soignants parce que l’accompagnement spirituel est une forme de soins. Mais en venant sans blouse blanche, je montre que je ne fais pas partie du personnel médical. Les malades en voient assez des blouses blanches ! » lance l’aumônier.

 

 

Un rôle différent des blouses blanches

« J’admire le personnel soignant et j’échange avec lui. Mais, comme aumônier, nous avons un rôle différent et nous nous reconnaissons mutuellement comme ayant un rôle spécifique » explique-t-il. L’aumônier est notamment alerté par les équipes lorsqu’elles constatent qu’un patient souffre du « syndrome du glissement » et que l’accompagnement d’un aumônier revêt alors une importance particulière.

Fort de tant d’années d’expérience, l’abbé Carrel voit d’ailleurs un danger : la « surspécialisation des blouses blanches » qui fait que les soignants sont moins disponibles pour écouter le patient et qu’ils peuvent avoir une vision très parcellaire de l’état du malade.

L’abbé Carrel n’a jamais regretté d’avoir opté pour la voie de l’aumônerie. A l’été prochain, il va quitter les aumôneries des hôpitaux. Mais pas question de retraite ! « Nous les prêtres, on doit bosser jusqu’à 70 ans !» dit-il en se marrant. Dans quelques mois, il sera aumônier, et à 100%, dans plusieurs EMS de la région lausannoise.

 

par Claude Jenny

 

 

« J’ai frôlé la mort. J’étais dans le brouillard »
Le Covid grave, celui qui peut vous emporte, l’abbé Carrel l’a vécu. Il a été intubé, mis dans le coma. Il en est ressorti, sauvé, guéri. Mais, dit-il, « j’étais un mort vivant. J’ai frôlé la mort. J’étais comme dans un brouillard. J’avais perdu tous mes repères. Je n’arrivais plus à prier. Juste à balbutier des bribes de prières » explique ce miraculé, qui vante les mérites du personnel soignant : « Dans de telles circonstances, Dieu vous fait exister à travers les autres. Ils m’ont sauvé et Dieu m’a tenu la main ».
Ce vécu difficile a-t-il modifié sa manière de remplir son ministère ? « Sans doute, confie-t-il. Je goûte encore davantage à la joie de la rencontre avec l’autre et je suis devenu encore plus sensible à la dimension humaine des personnes que je rencontre »

 

 

Etonnante trajectoire
Un jour, l’abbé Gérard entre dans une chambre des HUG à Genève. Le patient, qui sort d’un état critique, le remballe. L’aumônier reviendra dans cette chambre. Lui et le malade entameront un dialogue. Aujourd’hui, le malade de l’époque dit : « Je suis certain que l’abbé Gérald est pour quelque chose dans ma vocation. De prêtre, et maintenant d’aumônier ».
Celui qui parle ainsi n’est autre l’abbé Vincent Lafargue, qui est devenu prêtre et plus récemment aumônier et qui, début janvier, a succédé à l’abbé Carrel comme coordinateur de l’équipe d’aumônerie de l’hôpital de Rennaz.