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Témoins du Covid – Anne-Sophie Lorin, infirmière

« L’isolement pèse lourd »

 

Anne-Sophie Lorin est infirmière au CMS du Coteau. Avec une trentaine de ses collègues, elle vit depuis un an la pandémie avec la lunette de soignante à domicile. Son témoignage est plein d’amour pour les victimes du Covid qu’elle a accompagnées. Elle fait le constat alarmant que la pandémie a fortement aggravé l’isolement de nombreuses personnes.

« La première vague a été difficile à vivre pour nous, soignants, car nous avions des informations contradictoires, nous manquions de matériel et nous avons dû scinder l’équipe en deux : une partie s’occupait des patients covid, l’autre équipe des autres malades. C’était lourd à vivre : la peur d’être contaminée et de contaminer les autres, notamment sa famille » raconte cette professionnelle active depuis dix ans dans le CMS de la région de Savièse – Arbaz-Anzère).

Il est vrai que le village de Savièse a été l’un des communautés très touchée au départ de la pandémie, devenant l’un des « clusters » parmi les plus inquiétants. De nombreux villageois ont été atteints par le virus suite à divers rassemblements. Cet épisode de la pandémie a fait son lot de victimes. Anne-Sophie se souvient : « C’était un désert dans les rues ! Plus personne ne sortait. Lors de nos visites, nous sentions clairement que l’angoisse habitait les patients que nous visitions ». Le personnel a dû augmenter son temps de travail, renoncer à des congés pour faire face. Si cette intervenante a échappé au virus, ce n’est pas le cas de plusieurs de ses collègues qui ont été touchées malgré les précautions prises.

 

Prendre le temps de parler

La deuxième vague a été moins anxiogène, même si Anne-Sophie Lorin, comme ses collègues, n’ont pas revu certains de leurs patients qui ont dû être hospitalisés. « Ces enterrements dans l’intimité sont vraiment durs à vivre » relève-t-elle. Elle souligne au passage l’heureuse démarche du curé de Savièse qui, au terme de chaque messe dominicale, vient sur le parvis de l’église pour bénir le village aux quatre coins cardinaux ». Une initiative appréciée.

L’infirmière a en effet constaté les effets négatifs sur nombre de personnes de l’isolement imposé. « Certaines personnes n’ont pas eu la moindre visite aux fêtes ! ». La visite de la « dame du CMS » était parfois l’unique contact ! « Dans certains cas plus aigus du virus, nous faisions jusqu’à deux visites par jour » dit-elle, insistant sur ce rôle d’accompagnement qu’elle et ses collègues ont accompli et remplissent encore auprès des personnes qui souffrent de séquelles.

 

« Heureusement, durant nos tournées, nous avons eu suffisamment de temps pour parler avec nos patients. Ces temps d’échanges sont au moins aussi importants que les soins médicaux : nous essayons d’informer, actuellement de parler du vaccin, etc.. Surtout de rassurer ! » souligne Anne-Sophie Lorin, qui fait le constat douloureux que la pandémie a aussi fait un lourd dégât sur la santé psychique des personnes seules. « L’isolement a été fortement accentué et se vit encore maintenant. Ce volet de la pandémie est source d’inquiétude » confirme l’infirmière, tout en relevant de nombreux gestes de solidarité et de soutien de la population. Un rôle qui a donné une dimension supplémentaire aux activités des divers intervenants du CMS. Notre interlocutrice estime qu’il serait vraiment souhaitable que certaines activités sociales puissent reprendre car l’isolement a ses limites qui sont aujourd’hui dépassées.

 

Un regain de spiritualité

La pandémie a évidemment accentué les discussions sur le sujet de la mort. Que le personnel des CMS doit aborder, notamment pour inciter les personnes à rédiger leurs directives anticipées. « Les messages adressés par l’évêques du diocèse, Mgr Lovey, tout comme les messes diffusées depuis l’évêché ont été très appréciées » a constaté Anne-Sophie Lorin qui voit au moins un aspect positif à la pandémie : « un regain de spiritualité et aussi la prise de conscience de l’importance de petits gestes tout simples ».

 

Claude Jenny