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Témoins du Covid

L’homme est connu comme chef dorchestre et professeur au conservatoire. Mais sans abandonner la musique, Jean-François  Bobillier a pris un virage serré en devenant agent pastoral et aumônier. Dans le secteur de Martigny et à l’hôpital du Valais. De meneur, il est devenu écouteur, accompagnateur, dialogueur. Une activité qui l’épanouit et qui le fait constater que la pandémie n’a guère modifié les inquiétudes des personnes quil rencontre. « Par contre, leurs préoccupations sont devenues plus prégnantes » constate-t-il.

 

Lorsquil dirigeait avec maestria lEnsemble de Cuivres Valaisan, il insistait déjà sur limportance de donner une autre dimension à la musique quune simple technique d’interprétation. Il aime donner de la vie aux notes. Dans ses nouvelles fonctions, il est donc à l’aise pour accompagner – à l’hôpital, mais aussi lors de visites à domicile ou encore lors de soirées de préparation au baptême, etc… – de nombreux êtres dans le doute, se posant des questions sur les errements du monde daujourdhui et souvent critiques par rapport à l’Eglise. Jean-François Bobillier ne se formalise pas de ces critiques. Au contraire, il y voit un vivier dans lequel il faudrait que lEglise aille piocher pour agir mieux et autrement.

« J’ai de la chance de pouvoir accomplir cette pastorale de proximité car je peux ainsi être utile dans ce champ daccompagnement que jaffectionne » confie-t-il. Quand on « plante » une carrière de chef dorchestre pour devenir homme dEglise, cest bien sûr que le choix ne tient pas du hasard !

A l’hôpital de Martigny, cest son collègue Marco Brochellaz qui visite les unités COVID. Jean-François Bobillier va dans les autres services : en chirurgie, en gériatrie, en soins palliatifs. Mais il rencontre des personnes touchées qui viennent en réadaptation ainsi que parfois durant leur suivi à domicile. En gériatrie et dans lunité des soins palliatifs, il a loccasion d’échanges nourrissants avec les patients. Des visites qui sont appréciées et se prolongent de longues minutes.

Les mêmes questions mais

La pandémie a-t-elle accentué les interrogations? Les questions existentielles? La dimension spirituelle? La réponse de l’aumônier peut surprendre : « J’ai limpression que ça n’a pas beaucoup modifié le questionnement des gens par rapport à certains sujets qui les troublent. Par contre, je dirais que leurs interrogations sont plus vives, plus prégnantes » note Jean-François Bobillier. Un sujet dinquiétude revient souvent : « Que vont vivre nos enfants? Et nos petits-enfants ? » Et dans un secteur comme la gériatrie, certaines questions deviennent forcément plus urgentes.

Pour Jean-François Bobillier, le COVID joue le rôle de révélateur ou damplificateur dun certain mal être par rapport à un monde qui manque dauthenticité, par rapport à la solitude aussi. Il raconte cette joie dune personne quil a visitée l’autre jour et qui souffrait de solitude. Elle lui a dit : « Je vais vivre un beau week-end ! » Et de lui demander pourquoi : « parce quune personne sait maintenant que jexiste » !

Sur le terrain spirituel, tant lagent pastoral que l’aumônier se doit hélas de constater que beaucoup de personnes se sont éloignées de lEglise. « Mais quelles parlent de Dieu avec dautres mots ! » constate-t-il. Cest donc que lEglise doit sadapter, aller bien davantage vers ces périphéries, comme le prône le pape François. « Non seulement y aller, ajoute Jean-François Bobillier, mais écouter ce que nous disent les personnes que nous rencontrons. Il serait bon de favoriser des espaces de parole pour que lEglise les écoute et agisse en fonction de leurs besoins ». Ce que l’équipe pastorale de Martigny accomplit dans une large mesure déjà, notamment sur les plans de laccompagnement et de la diaconie.

Et l’âme du chef dorchestre de rejaillir ! « La question que nous devons nous poser est : comment lit-on la partition de ce que lon vit aujourdhui ? s’interroge-t-il. « Dieu a composé une œuvre parfaite, ne sest privé d’aucune note, daucune palette sonore. A lEglise de jouer le rôle du chef dorchestre ! Mais en veillant à l’écoute attentive des notes qui semblent moins importantes. Enlevez-en une seule, l’œuvre est déséquilibrée et creuse. N’ôtons rien à une si belle partition » conclut-il.

Claude Jenny